6 mois après la naissance de notre fille, elle se réveillait toujours 2 à 4 fois par nuit.
Nous avons donc demandé à notre pédiatre de l’aide pour passer des nuits paisibles. Le seul conseil qu’il nous a donné a été d’appliquer la méthode 5-10-15…
Nous n’avons plus jamais parlé de sommeil avec lui.
ENTRAÎNEMENT AU SOMMEIL : DE QUOI S’AGIT-IL ?
Nous parlerons dans cet article de toutes les méthodes qui consistent à laisser pleurer un enfant seul dans son lit pendant plus ou moins longtemps, dans l’espoir qu’il comprenne que personne ne viendra l’aider, et qu’il finisse par se rendormir.
La plus connue de ces méthodes est la 5-10-15, aussi appelée méthode « Ferber » recommandée par le pédiatre de ma fille : vous mettez votre bébé au lit après le rituel du soir, mais s’il se met à pleurer quand vous quittez sa chambre, cette triste méthode recommande le comportement suivant :
- Attendez 5 minutes en dehors de la chambre sans vous montrer ni faire de bruit.
- Si votre bébé pleure toujours, venez le voir rapidement pour lui rappeler que c’est l’heure de dormir. Minimisez les contacts et les paroles, et sortez rapidement de la chambre
- Attendez 10 minutes. Si votre bébé pleure toujours, revenez rapidement dans sa chambre avec le même message
- De même après 15 minutes, et ainsi de suite, en augmentant les durées…
Non, non et non ! Rien que d’écrire ces lignes et de penser à un bébé qui s’époumone dans son lit pendant des heures, je suis stressé…
Il existe toutes sortes de méthodes similaires :
- Soit avec des tableaux compliqués pour savoir au bout de combien de temps vous avez le droit de revenir voir votre bébé
- Ou avec des variations sur l’attitude et les gestes à avoir quand vous revenez dans la chambre
- Ou la plus brutale : vous couchez votre bébé et ne revenez plus le voir, quels que soient la durée ou l’intensité de ses cris
Tous les arguments dans la suite de cet article sont valides quelle que soit la méthode, à partir du moment où il s’agit de laisser pleurer son bébé seul.
Avant de continuer, je dois indiquer que je suis contre toutes ces méthodes, mais je ne veux pas culpabiliser les parents qui les ont appliquées par manque d’ informations. Quand votre pédiatre vous recommande une méthode, le premier réflexe est en général de lui faire confiance et de penser qu’elle sera bonne pour votre enfant. En d’autres termes : ce n’est pas de votre faute !
MÉTHODE FERBER : COMMENT ÇA « MARCHE » ?
L’idée de la méthode Ferber est que les bébés qui ont des problèmes de sommeil ont été conditionnés pour avoir besoin de leurs parents pour s’endormir.
Tous les êtres humains font des micro-réveils au cours de leurs nuits, par exemple entre chaque cycle de sommeil. Mais la plupart d’entre nous ne s’en souviennent pas et se rendorment aussitôt.
Les bébés qui se sont toujours endormis avec leurs parents le soir, ont aussi besoin de leurs parents pour se rendormir de leurs réveils au cours de la nuit. La méthode Ferber propose aux bébés de désapprendre ce conditionnement en les privant graduellement de leurs parents.
Il existe bien des méthodes bienveillantes et sans pleurs pour aider les enfants à devenir autonome dans leur sommeil (comme par exemple dans notre guide gratuit🙂 ), mais la méthode Ferber se vante d’être plus rapide que toutes ces méthodes grâce à un traitement de choc : laisser pleurer son enfant seul dans son lit.
DANS QUELS CAS C’EST CENSÉ « MARCHER » ?
Le résultat recherché par ces méthodes est qu’au bout de quelques nuits avec un tel traitement, l’enfant n’appelle plus jamais à l’aide, ni au moment du coucher, ni la nuit.
Ces méthodes ne s’inquiètent pas de la bonne santé de l’enfant, mais recherchent le calme à tout prix.
Dans quels cas c’est censé marcher ? C’est à dire, que l’enfant s’arrête d’appeler et de pleurer ?
Listons d’abord les contre-indications annoncées par les partisans de la méthode Ferber eux-mêmes :
- la méthode Ferber ne marche pas sur les bébés de moins 6 mois
En effet, les plus jeunes bébés ont besoin d’être nourris la nuit, et leurs cycles de sommeil / réveil sont trop immatures
- la méthode Ferber ne marche pas sur les bébés qui ont une peur de l’abandon, ou qui vomissent quand on les laisse seuls
C’est du bon sens, mais les enfants qui ont déjà été traumatisés n’ont aucune chance de s’endormir en étant laissés seuls (cependant, notons qu’il y a au moins une partisane de cette méthode qui recommande de continuer la méthode même si bébé vomit : Dr Marie Thirion)
- la méthode Ferber ne marche pas sur les enfants qui ont un trouble du sommeil
Elle aurait même tendance à aggraver les troubles comme les apnées du sommeil, les terreurs nocturnes ou les troubles du rythme circadien.
- la méthode Ferber n’apprend pas aux enfants comment s’endormir
Si vous souhaitez aider vos enfants à s’endormir, réduisez les lumières, ralentissez le rythme des activités avant le coucher, et aidez votre enfant à faire face aux peurs liées à la nuit.
En résumé, les partisans de la méthode Ferber disent qu’elle marche sur les enfants de plus de 6 mois, en parfaite santé physique et psychique.
Comment être certain que mon bébé est en parfaite santé psychique et n’a aucun trouble du sommeil ? Très bonne question !
Et comme la plupart des bébés vivent une angoisse de séparation à partir de 7-8 mois, cela ne laisse pas beaucoup de temps pour appliquer cette affreuse méthode…
QUELS RÉSULTATS PAR RAPPORT À DES MÉTHODES BIENVEILLANTES ?
En 1989, les chercheurs Adams et Rickert ont suivi 36 enfants de 18 à 48 mois, et ont comparé la méthode Ferber avec une méthode de routines positives avant le coucher.
Dans cette dernière méthode, les parents pratiquaient 4 à 7 activités agréables recommandées par les chercheurs avant de mettre leurs bébés au lit, puis les accompagnait dans le sommeil.
A votre avis, quelle méthode a eu le plus d’impact sur le sommeil des enfants ?
C’est surprenant, mais les deux méthodes ont obtenu les mêmes résultats dans l’amélioration du nombre de réveils des enfants.
Mais au contraire des parents « ferberisés », les pratiquants des routines positives ont rapporté une amélioration significative de leur satisfaction maritale… ce qui laisse supposer que les méthodes bienveillantes ont des bénéfices cachés 🙂
POURQUOI JE SUIS CONTRE LAISSER PLEURER MA FILLE SEULE ?
Je ne supporte pas d’entendre ma fille pleurer
Le premier argument contre les méthodes d’entraînement au sommeil est émotionnel : en tant que parent, il m’est totalement insupportable de laisser pleurer ma fille seule.
J’interprète les pleurs comme un appel à l’aide, auquel je me dois de répondre.
Rien que le fait d’envisager la laisser pleurer me fait mal.
Ceci dit, comme tous les parents, j’ai mes faiblesses. Une nuit où ma femme et moi nous étions déjà levé plusieurs fois chacun, nous étions épuisés.
Dans un moment de ras le bol ultime, nous avons laissé pleuré notre fille seule pendant de longues minutes… nous l’avons regretté pendant plusieurs jours, car nous avions peur de lui avoir grillé des neurones !
Explication par la sélection naturelle
Mais pourquoi est-il aussi insupportable pour un parent d’entendre son bébé pleurer sans rien faire ?
Remontons il y a quelques centaines de milliers d’année, à l’époque où les sociétés humaines étaient exclusivement composées de tribus de chasseurs cueilleurs.
Imaginons au milieu de la savane, 2 Mamans, chacune avec leur bébé. Elles posent leur bébé au sol pour faire la cueillette.
Au bout d’un moment les bébés sentent un danger et se mettent à pleurer. Supposons maintenant que les 2 Mamans ont un comportement très différent : l’une accourt pour mettre son bébé en sécurité, et l’autre ignore les cris de son bambin.
À votre avis, dans un monde préhistorique où 40% des enfants meurent avant leur 15ème anniversaire (Kaplan et al, 2000), quel bébé a les meilleures chances de survie ?
Par sélection naturelle, nous sommes probablement des descendants de la Maman qui répond immédiatement aux pleurs de son bébé.
L’espèce humaine, comme tous les animaux, a bâti ses comportements de survie avec l’hypothèse que l’environnement est hostile. C’est donc probablement ce que ressent un bébé quand il pleure seul en pleine nuit : un danger inconnu qui le terrorise.
Vous, vous savez qu’il n’y a pas de danger, mais lui ne connaît probablement que l’instinct transmis par des milliers d’années de sélection naturelle : « seul dans le noir, je me sens exposé aux prédateurs, donc j’appelle et je pleure ».
La raison médicale
Et si mon bébé a un vrai trouble du sommeil ? Dans ce cas :
- non seulement laisser mon bébé pleurer seul ne me permet pas de collecter des indices pour diagnostiquer le trouble
- Et de plus le trouble du sommeil risque de dégénérer en un vrai traumatisme avec des conséquences importantes sur la santé de mon bébé
Bref, c’est un risque que je ne suis pas prêt à prendre!
L’expérience scientifique
En 2012, au Texas, vingt-cinq bébés âgés de 4 à 10 mois ont été étudiés alors qu’avec leurs mères, ils « participaient » à un programme hospitalier de cinq jours d’« éducation au sommeil » (Middlemiss et al, 2012). Le but était qu’ils apprennent à s’endormir sans aide – si ce n’était la visite régulière d’une infirmière. Dans une pièce voisine, leur mère pouvait entendre les pleurs sans avoir le droit d’intervenir.
On a analysé le taux de cortisol, l’hormone du stress, dans la salive des bébés et dans celle de leurs mères, salive recueillie au début de l’endormissement et après que les bébés se soient endormis.
Au premier jour, la plupart des bébés ont pleuré au moins vingt minutes, et comme prévu, une augmentation du taux de cortisol a été constatée chez le nourrisson comme chez sa mère, que ce soit au début de l’endormissement ou au moment où les bébés exprimaient leur détresse.
Mais au troisième jour, les réponses physiologiques des mères et des bébés étaient devenues complètement différentes. Les bébés n’exprimaient plus leur détresse en pleurant, alors que leur taux de cortisol restait élevé, ce qui laisse à penser qu’ils étaient toujours stressés mais avaient renoncé à le manifester : ils s’étaient résignés…
Les mères, quant elles, n’étant plus alertées par les pleurs de leur bébé, voyaient leur taux de cortisol fortement abaissé.
L’argument psychologique
Que ressentons nous sous l’effet des pleurs ?
Dans le magazine PEPS n°20 de l’hiver 2017-2018, Brigitte Guimbal propose ce résumé :
● Quand nous pleurons, le chagrin qui sort laisse un vide…
● Ce vide se remplit avec ce qui est présent autour de nous à ce moment là.
● Si nous sommes seuls, c’est l’isolement qui s’inscrira en nous.
● Mais si nous recevons de l’amour, de la tendresse, de la bienveillance, ce sont ces sentiments qui vont le combler.
On peut en déduire le message implicite que ressent un enfant lorsqu’il pleure seul:
- « personne n’est là pour moi »
- donc « je ne compte pas »
- « Je suis abandonné par les personnes que j’aime le plus au monde, en qui j’avais confiance »
CONCLUSION
Voilà, je voulais absolument détailler ce que je ne recommande pas pour que ce soit clair entre nous.
Dans les articles suivants, nous détaillerons les méthodes et astuces bienveillantes et sans pleurs qui permettent d’atteindre de très bons résultats sans traumatiser votre enfant…
… voire même en passant de très bons moment avec lui !
À bientôt sur le blog Sommeil bébé
Sources :
- Adams LA and Rickert VI. 1989 : Reducing bedtime tantrums: Comparison between positive bedtime routines and graduated extinction. Pediatrics 84(5): 756-761.
- The Ferber method: What is it, and how does it affect babies? Gwen Dewar, Parenting science
- Middlemiss et al, 2012 : Asynchrony of mother-infant hypothalamic-pituitary-adrenal axis activity following extinction of infant crying responses induced during the transition to sleep, Early Hum Dev 2012 ; 88(4) : 227-32
- PEPS, le magazine de la parentalité positive, dirigé par Catherine Dumonteil Kremer