Cet article est le deuxième d’un dossier sur la régression des 4 mois. Le premier parle des causes de cette régression. Et le troisième détaillera quelques solutions.
Le scénario classique pendant les 4 premiers mois est le suivant :
- Pendant les nuits des 2 premiers mois, bébé est allaité à la demande, ou nourri régulièrement au biberon
- C’est vers 5 kg que bébé a un estomac assez grand pour ne plus avoir besoin d’être nourri la nuit
- Le troisième mois est généralement plus calme la nuit
- Et vers 4 mois, les réveils de nuit reprennent de plus belle, pour les raisons évoquées dans l’article précédent : stress et sommeil plus léger
Pour savoir combien de temps dure la régression des 3 mois, tout est dans cette vidéo de 3 minutes :
Bébé a 4 mois. Que font alors les parents ?
Ils utilisent les mêmes méthodes que pendant les 2 premiers mois.
C’est ce que nous avons tous fait, ma femme et moi y compris.
Est-ce efficace ? Non.
Mais si ça a marché les 2 premiers mois, pourquoi ça ne marche pas à 4 mois ?
Tout simplement parce que les raisons des réveils sont différentes :
- Pendant les 2 premiers mois, la raison principale de réveil est la faim
- Alors que vers 4 mois, c’est un peu plus compliqué : voir le premier article de ce dossier sur la régression des 4 mois.
ATTENTION, IDÉES À CONTRE-COURANT
Autant vous prévenir tout de suite, cet article sera plus controversé que les précédents, car les idées proposées dans les paragraphes suivants sont contre-intuitives.
Pour éviter tout malentendu, je souhaite rappeler les valeurs défendues sur ce blog :
- La parentalité bienveillante et respectueuse de nos enfants
- Le maternage proximal (par Maman et Papa !) et la prévention du stress
- L’accueil des émotions et la résolution des conflits par le dialogue (oui, même avec les bébés qui ne sont pas en âge de parler !)
Maintenant que nous sommes au clair sur les intentions, reprenons.
LES MÉCANISMES DE CONTRÔLE DES PLEURS
La réponse standard aux pleurs
Que faisons-nous exactement quand nous entendons notre bébé pleurer la nuit ?
Comme nous interprétons les pleurs comme un appel à l’aide, nous tentons d’arrêter ses pleurs.
C’est très légitime quand la cause des pleurs est simple, comme la faim, la soif, une couche sale, ou une douleur.
Nous cherchons alors à satisfaire son besoin naturel ou à arrêter sa douleur.
Mais le problème est quand notre enfant pleure encore après l’avoir nourri, changé sa couche, ou cherché ou il pourrait avoir mal : nous essayons encore d’arrêter les pleurs.
Mon attitude quand ma fille pleure
Dans ces cas de pleurs prolongés et inexpliqués, j’ai deux attitudes différentes, en fonction de la situation :
- Si ma fille ne veut pas que je la prenne dans mes bras, je reste à côté d’elle, en lui proposant son doudou de temps en temps. En général, quelques minutes après avoir fait serré son doudou dans ses bras, elle me demande un câlin, je la prends et elle arrête de pleurer
- Si elle veut bien venir dans mes bras, je la prends, et elle pleure sur mon épaule pendant que je fais des allers-retours très lents dans sa chambre. Certaines nuits, cela a duré pendant plusieurs dizaines de minutes…
Dans la même situation (bébé pleure sans raison apparente), ma femme lui proposera de téter.
Je suis très souvent déstabilisé par les pleurs de ma fille : je les ressens comme un signal d’alerte.
Et s’ils se prolongent, j’ai l’impression qu’ils aspirent mon énergie.
J’en ressors complètement épuisé…
Ce sont nos réponses habituelles quand notre fille pleure sans besoin évident (tels que faim, soif, inconfort ou maladie), mais ce ne sont pas les plus efficaces pour régler le problème.
Est-ce mieux chez les autres ?
En général, les parents utilisent une grande variété de stratégies pour tenter de calmer leurs enfants :
- En leur demandant de cesser de pleurer
- En les punissant ou en menaçant de les punir
- En les privant d’amour ou d’attention, en les isolant
- En les distrayant par des paroles, de la musique, du mouvement, des jeux
- En leur mettant quelque chose dans la bouche (aliment, tétine)
- En les fascinant ou en leur faisant honte
- En contestant ou en minimisant leur douleur
- En les complimenter parce qu’ils ne pleurent pas
- En les faisant parler ou rire
Bien entendu, ces méthodes ne sont pas plus efficaces que les nôtres, car elles ont toutes en commun la répression des pleurs.
Résultat à l’âge adulte
Chez la plupart d’entre nous, les pleurs ayant été réprimés dès le plus jeune âge, nous avons appris à contenir nos sentiments par des moyens appelés « mécanismes de contrôle ».
Dans son livre « Pleurs et colères des enfants et des bébés », la psychologue Aletha Solter associe ces mécanismes avec les comportements suivants chez les adultes :
- La consommation de substances chimiques comme le tabac, l’alcool, ou le café
- La boulimie
- Les ongles rongés et autres tics
- Les tensions musculaires et rigidités
- L’excès d’activité
- Les échappatoires ou distractions (télévision, etc…)
Wow, rien que ça !!!
Effrayant, non ?
UN ÉNORME MALENTENDU SUR LES PLEURS
Les deux fonctions des pleurs
Mais pourquoi voulons-nous absolument arrêter les pleurs ?
D’après Aletha Solter, ils ont deux fonctions bien différentes :
- Alerter d’un besoin ou problème urgent tel que faim, soif, inconfort ou douleur
- Décharger le stress
Tous les parents du monde pensent naturellement à la première fonction, mais nous sommes très nombreux à ignorer la deuxième.
Vous pensiez que la vie de bébé était zen et sans stress ?
Détrompez-vous !
Les origines du stress sont multiples chez un bébé :
- Un trauma prénatal ou de la naissance
- Des besoins non satisfaits
- La surstimulation
- Les frustrations de l’apprentissage
- Les expériences effrayantes
Les sources de stress les plus importantes à 4 mois sont généralement le stress lié à l’apprentissage et le besoin non satisfait d’explorer le monde et de saisir tous les objets à portée de vue (voir l’article précédent)
Alors, comment un bébé gère son stress ?
Il utilise plusieurs mécanismes pour l’évacuer : le jeu symbolique, la parole, le rire, et bien entendu : les colères et les pleurs !
Les pleurs et les crises de rage sont des mécanismes essentiels de libération du stress accessibles dès la naissance.
Cette idée est tellement contre-intuitive que les premières études scientifiques sur le sujet sont très récentes.
Les recherches sur les pleurs
L’étude des larmes
Pour comprendre ces mécanismes, le Dr William Frey a mené des études sur les larmes humaines. En 1985, ce biochimiste américain a payé des volontaires pour qu’ils regardent un film triste et recueillent ce qu’il a appelé leurs larmes d’émotion.
Imaginez : être payé pour pleurer !
Par ailleurs, il a recueilli des mêmes sujets des larmes d’irritation : obtenues en coupant des oignons.
Puis il a comparé la composition de ces deux types de larmes. Les analyses ont montré la présence de molécules liées au stress dans les deux types de larmes, mais beaucoup plus importantes dans les larmes qui impliquent des émotions.
Les séances thérapeutiques de pleurs
En 1987, d’autres études ont mesuré les changements physiologiques chez les adultes après les pleurs. Les sujets choisis pour ces études participaient à des psychothérapies au cours desquelles ils pleuraient et criaient, parfois pendant une heure ou plus.
La comparaison des mesures effectuées avant et après ces séances en a révélé l’impact :
- un abaissement de la température corporelle et de la tension artérielle
- un ralentissement du pouls
- un meilleur synchronisme des ondes cérébrales,
Tous ces paramètres sont des indices de relaxation.
Pleurer crée donc une stimulation physiologique suivie d’une profonde relaxation. C’est un moyen très efficace de réduire la tension psychologique.
C’est vraiment bénéfique de pleurer ?
Les pleurs sont souvent considérés comme un corollaire inutile du stress. Je pensais moi-même que ma fille se sentirait mieux si elle cesse de pleurer au plus vite.
C’est faux !
Quelle que soit la source du stress, l’enfant ne se sent pas mieux tant qu’il n’a pas eu l’occasion de pleurer et tempêter à son gré.
Toujours dans le même livre « Pleurs et colères des enfants et des bébés », Aletha Solter explique que pleurer apporte de nombreux bénéfices à l’organisme :
- pleurer améliore l’équilibre émotionnel
- accepter les pleurs contribue à un attachement satisfaisant entre le parent et l’enfant
- les enfants qui peuvent pleurer ont une plus grande confiance en eux-mêmes,
- ils sont aussi plus faciles à vivre,
- et ils apprennent plus facilement
Si on admet tout ça, l’erreur de la plupart des parents est tout simplement de ne pas laisser pleurer leur enfant. Mais comment faire pour que ces pleurs soient vraiment libérateurs ?
Face aux pleurs de leurs bébés, la plupart des parents n’envisagent que deux stratégies :
- Laisser pleurer leur enfant seul : j’y suis complètement opposé (j’explique pourquoi dans cet article)
- ou continuer à allaiter bébé ou à le calmer à chaque fois qu’il pleure
Il est très étonnant que très peu de parents pensent à une troisième stratégie, pourtant très efficace pour soulager bébé tout en accueillant ses émotions.
Ce sera le sujet du troisième article de ce dossier sur la régression des 4 mois !
Et vous, quelles sont vos expériences avec les pleurs de bébé la nuit ?
Source : livre d’Aletha Solter « Pleurs et colères des enfants et des bébés », édition de 2015.
Cette psychologue suisse-américaine a fondé l’association « Aware parenting« , qui propose des conseils sur comment développer un attachement satisfaisant avec son enfant. (la traduction française du site Aware Parenting est peu fidèle, donc si vous comprenez l’anglais, je vous conseille la version originale)